Mais où est passée ma Rage Girl depuis plus d'un an et demi ? That is ze question !
J'ai cherché ma petite hystérique partout, j'ai fouillé ma tête et mes tripes de fond en comble, j'ai même ressorti les sujets les plus irritants pour la faire ressurgir ; impossible de mettre la main dessus. J'ai cru qu'elle m'avait abandonnée, qu'elle était partie pour des contrées lointaines, pleines d'aventures : je la voyais gueuler sur les touristes, s'exciter à communiquer avec l'autochtone éberlué, pester sur des toilettes locales avec la tourista. Bref, mon héroïne acariâtre avait pris la poudre d'escampette.
Mais en réalité elle se cachait, la coquine. Un jour, où mon moral et moi descendions à la cave pour nous planquer dans un coin sombre, je tombai nez à nez avec elle, en poussant une porte du troisième sous-sol, deuxième labyrinthe à gauche, au fond du couloir de la déroute. Quelle ne fût pas ma surprise de la voir tranquillement avachie dans un fauteuil tout confort, face à la télé, à s’empiffrer de chips ! Elle s'était aménagée un bunker et n'avait manifestement pas fait le ménage depuis un bail.
- Mais qu'est-ce que tu fous là, Rage Girl ?
Elle me jeta un coup d'œil en se grattant le bide. Elle m'ignorait la bougresse.
- Ça fait une éternité que je te cherche. Je me suis inquiétée pour toi...
Elle m'assena d'un "CHUUUUUT !" féroce, la bouche pleine de projectiles de chips que j'esquivai de justesse. Apparemment je la dérangeais pendant son documentaire animalier sur les Palfrons du Panama. Ça aurait pu être pire, elle aurait pu s'abrutir avec Cyril Hanouna et son émission TPDC (Tu Pues Du Cul). Elle n'avait donc pas totalement capitulé.
- Tu boudes ? T'as plus envie de t'acharner sur un de tes sujets favoris ?
Pas de réponse, elle me snobait en se curant la narine gauche.
- Le féminisme, les religions, les violences psychologiques ?
Elle haussa les épaules avec une petite moue sans conviction. Elle roulait sa crotte de nez entre deux doigts, d’un air menaçant. Méfiance.
- L'écologie ?
Elle balança négligemment son paquet de chips au sol, accompagné d'un rot bien gras. C'était pas gagné.
- Ah ! Je ne sais pas si tu es au courant mais Golden Gland, notre cher Président, sévit toujours et nous pisse ouvertement à la raie. Ça ne t'énerve pas ça ?
Elle me fit mollement un doigt d'honneur avec dégoût, ce qui me rassura un peu. Il y avait encore un soupçon de réactivité dans cette part de moi-même ; je ne l'avais pas tout à fait perdue.
Finalement, j'éludais une dernière question pour ne pas me prendre sa télécommande dans la gueule, et c'est avec un soupir de soulagement, la promesse de revenir et une crotte de nez sur le front, que je refermais doucement la porte.
Au fond elle est toujours là ma Rageounette, mais simplement moins virulente. Ma vie a beaucoup changé depuis que je suis libre, elle est tellement plus légère. Je suis plus patiente, je gère les choses à mon rythme, et surtout je n'ai plus envie de m'énerver sur tous les sujets de la terre. Du coup, Rage Girl n'a plus vraiment de raison de se manifester. Et certes ce n'était pas flagrant, mais j'ai senti qu'elle était, malgré tout, contente que je la sollicite.
Cela dit, une question subsiste : que vais-je faire de ce blog si je n'ai plus de mauvaise humeur à déverser ? Après discussion avec moulte personnes de mon entourage, je vais le garder. Mais ce sera sûrement Yuna qui vous parlera, accompagnée d'une Rage Girl modérée (mais qui vous emmerde quand même).
Tchao mes p'tits bolos !
Dessin Rage Girl : John Luit https://johnluit.wordpress.com/
Comments